Je suis allé dans l’église pour pleurer une bonne fois pour toutes. Pour toutes les fois où j’ai pas pleuré. C’était aussi des pleurs avant en un sens. Et mon pleur de maintenant n’en est pas vraiment un. C’est une céremonie. C’est une manière de le jouer le pleur. Je me choisis sur quoi pleurer, je vais choisir Dieu. Le pauvre petit Dieu. Il faut bien pleurer sur quelque chose. C’est pour toutes les fois où on pleure pas. Il faut marquer le coup. Inventer qu’on a un sentiment. Sinon il n’y a pas de sentiments. Mais c’est des sentiments quand même. Le sentiment ment voilà tout. c’est comme jouer le sentiment. c’est de l’action plus qu’un sentiment. parce qu’un sentiment c’est inventer. On ressent comme on agirait. On va dans l’inconnu. et on fait briller la fausseté des sentiments. On la joue, on la met en valeur pour révéler la fausseté de la vie. c’est des sentiments comme une action, c’est plutôt comme une prière. Une prière sans vraiment parler mais en marchant. Une prière qui ne parle pas mais qui est là par la marche. Si je pleure aujourd’hui c’est un moment comme il y aurait pu y en avoir d’autres. Mais il faut qu’il existe pour réveler tous les autres où on a pas prié. où on a pas pleuré. Pourtant il s’agissait d’une sorte de prière. De prière en actes. J’y suis donc allé. La fin de soirée était de fin du monde. Ou de début. Un ciel orange vif. Ce ciel on va le mettre dans l’écrit. On verra le contexte de cet évenement. C’est plus important que l’évenement. ces choses qui viennent remplacer tout le reste. pour parler pour elles, parler d’elles. alors que tout le reste n’est que ça. N’est que ce qui le remplace. Le tait. En parle tout en taisant tout. une parole qui se tait. Une parole qui rassemble toutes les autres, qui étaient aussi muettes, et qui les tait une bonne fois pour toutes. Et pourtant continue à comme parler. Comme ce ciel de début ou de fin de je ne sais quoi. désir de début ou de fin on ne sait pas. début ou fin on ne sait non plus. le sens est un peu le désir. et tout ça est tordu. décampe. mais ce n’est pas un désir de mourrir. c’est de vie dont il s’agit quand même. J’ai été pleuré sur la Palestine. Palestine fait partie de moi en ce moment. Ce mot a fait irruption dans mon quotidien. C'est sous forme d'un mot et quelques images qu'elle vient. Elle n’existe pas trop que dans les formulations. Que comment je la reformule. Elle est dans la langue. Je ne sais pas si on dit Palestine ou la Palestine. La Palestine est plus lointain et Palestine plus familier. On dit Palestine quand on veut la sentir un peu plus proche de soi. Et on dit La Palestine quand on veut la sentir un peu plus loin. On dirait quelqu’un la Palestine. Palestine ça fait comme une petite soeur ou une grande soeur. Palestine fait plus comme une petite soeur. alors que La Palestine fait plus comme une dame. Ou une mamie. Ou une dame si on veut plus distant. C’est comme une vieille connaissance qui était dans un coin de nous et qui surgit. Qu’on re-rencontre un jour et cela nous rappelle qu'elle fait plus ou moins partie de notre vie. C’est comme revoir sa famille parfois. Tout le temps qu’on ne les avait pas vus c’est surprenant de se dire qu’on a pas su ce qu’ils ont fait. Comment ce temps est passé pour eux. ça fait une perception du temps étrange, avec différents temps qui suivent leurs cours. et des cassures qui peuvent venir dans le même temps. Parce que le temps n’est pas longiligne mais est un ensemble de cassures. Et notre temps était traversé par d’autres temps. Et cet autre qui s’invite chez nous était déjà là. Et les moments sont un peu comme les mots. Et c’est comme si nous n’avions pas de phrases pour s’adresser à l’autre, mais un seul mot que nous prononcions différemment à chaque fois et qui est déjà les autres. Car nous ne savons pas nos limites avec les autres. Car on voit alors que notre vie est comme un film. Avec toutes les infos qui vont ensemble. La Palestine fait irruption mais parce que nous n'étions pas vraiment nous-même. Soi-même n’avait pas trop de limites avec l’extérieur et était déjà des surgissements. quelqu’un qui gît dans la vie, et qui sur-gît et se ment. surgissement de mensonges mais c’est donc vrai. On voit ce film comme de loin, mais tout le film c’est nous-même. c’est du lointain qu’on ne pourrait pas admirer car on y perd le regard. Et on a la tête dans ce lointain. On n’aurait pas le temps d’en parler ou qu’il nous parle. Car c’est le sens-même et il est muet. Car nous sommes comme une parole qui se tait. Qui rassemble toutes les autres paroles des autres. des paroles qui ne disent rien. Et qui ressent en parlant, en marchant, même. Je mate le goéland gris tacheté. Le gabian jeune. Il vole au ralenti. si je vois le goéland partir je vois la mort. ça sera une mort de quelqu’un. Qui me fera voir la mort en géneral. ça sera la mort d’un gars bien, jeune. Le temps qu’il passe ce sera la mort et ensuite plus. Attention je vais compter. ça va prendre 5 secondes. 5, 4, 3, 2, 1. Je le vois plus ça y est. le gabian jeune est parti. un gars bien jeune est parti. C’est plus clair ainsi. Le gabian jeune, léger, beau. Il a fallu que je sépare cette mort des autres. et de toute la vie. Pour comprendre. Que la mort n’est pas séparée des autres morts. Et ces autres morts pas séparées de la vie. Et même de la beauté. Maintenant je vois que la mort en soi n’existe pas vraiment. C’est l’impensable. Et qu’il y a ce désir qui ne veut pas que décrire les choses. Mais les raturer aussi. Les désecrire. ça décrit et désecrit en même temps. Un papillon de nuit s’agite à ma droite. Je les trouve beau les papillons de nuit. Trés sobres. la forme noble. L’humilité victorieuse les papillons de nuit. Je mets ça dans le poème. Il faut faire semblant qu’il y a des choses qui ont du sens. C’est ainsi que le sens se fait. Ainsi pour Pale Estime. Pas d’estime pour ce monde. Pour moi. je reformule à chaque fois ce qu’elle est. Je découvre et j'invente un peu ce qu’elle est en même temps. Je n’ai pas de sentiments avant mon action de me battre pour elle. Je me bats pour elle comme on exprime un sentiment. Je ne sais pas si j'agis parce que je suis indigné ou si j'agis pour être indigné. Ou si c'est la même chose, le sentiment et l'action, et que c'est toujours nouveau. Mon combat est pour une raison et à la fois n’est pas pour une raison. C'est pour rien. Car je suis un combat déjà en moi. Je suis une résistance. Quelque chose résiste en moi et même à moi. Résiste à la pensée. Est seulement une poussée d'impossible. Et c'est cela qu'il faut un peu demander. Il faut se battre un peu pour Dieu. Je me bats pour les tanzaniens disparus. Mais je ne me bats pas. J’écris pour eux. Mais je n’écris pas. Je suis un combat. Je peux dire que je me bats pour qu’on libère ma honte. ma dignité. Mon néant. Ma mort. Ma vie. Dieu. Mes frêres et soeurs. Je peux dire tout ça. Parce qu'en agissant je reformule ce pourquoi je le fais. j'invente un peu en même temps de découvrir. ma cognaissance est une action. est une cogne. On se dit que c'est surprenant que Palestine soit si proche d'un coup. Mais cela nous rappelle qu'elle était déjà proche et c’est pourquoi des distances sont parcourues trés vite parfois. Car nous ne savions pas ce qu'était nous-même et ce qu'elle était elle, ou d'autres choses. car on ne savait pas les limites de soi et de l'autre. Ni soi ni Palestine n'était vraiment quelque chose, ce qui existait surtout c'était l'espace entre les deux. Car c’était la manière de la prononcer. C’est pourquoi je ne trouve pas la bonne prononciation. il faut que je reformule ce mot plusieurs fois. Pour parler à l’autre et qu’il me reformule aussi. Que je l’invente distante de moi ou totalement moi. Que je joue à être séparée ou que je joue à être elle. Mais c’est plutôt les mots qui se jouent de moi. ça va faire un flop. Je vais tomber dans un trou au final, sans avoir même lancé les dés.
Palestine ou Falestine en arabe. Je pense à cet accent arabe qu’on prend parfois. pour dire haziz et on fait le son H avec la bouche, la gorge. c’est tout un monde qui s’invite alors. c’est toute une langue qui nous croise. au détour d’un simple mot une sonorité nous fait voir qu’on peut parler tout autrement. c’est tout un monde qui nous croise. il vient laisser un autre goût. dans la gorge une possibilité autre de parler, de voir. quand on se bat pour la Palestine. Tout un coup la Palestine nous croise, et le monde arabe. c’est dans trés peu de choses, dans une intonation, et ça ouvre tout un monde. Il y a tout une façon de parler autre, au détour de notre langue, comme cachée derrière notre langue. comme cachée dans nos mots, comme si le sens pouvait changer au milieu de la phrase, que le sens n’était pas linéaire, que le sens pouvait être croisé de mondes, croisé de choses, croisé de langues, que le sens pouvait au détour d’un mot changer énormément. Même si ça ne change pas énormément et que ce qui croise ce n’est pas un monde vraiment, mais au final une nouvelle idée : l’idée que le sens n’était déjà pas linéaire à la base. Que dans la phrase il y a pleins de carrefours. Et pourtant nous semblons continuer en ligne droite. Comme s’il n’y avait pas eu tous ces carrefours. Cette ligne droite est pourtant le fruit de ces choix à ces carrefours. On revient seulement avec les produits de son carrefour mais ce n’est pas pour autant qu’il n’y a pas eu de carrefours. Et la Palestine n’est pas vraiment quelque chose d’extérieur qui aurait pu surgir, mais elle était déjà notre langue elle-même, faite de surgissements et de mensonges seulement. La palestine est dans nos phrases, est dans notre bouche et dans notre gorge. Elle est dans les phrases qu’on reformule et les façons de prononcer les lettres. Mais nous n’avons pas de phrase, nous n’avons qu’une phrase, ou qu’un mot, ou qu’une seule lettre, que nous reformulons sans cesse. Nous sommes cette lettre. Palestine est une façon de se prononcer soi-même. En tournant autour d’un mot. Car nous n’avons qu’un seul mot que nous reformulons. Nous ne sommes qu’un mot. La Palestine n’a pas de sens, nous non plus nous n’avons pas de sens. La Palestine n’est pas un propos. N’est pas des informations, mais elle est déjà en nous, dans notre langue. Mais nous-mêmes sommes déjà un autre. ce n’est ni s’intéresser à elle ni s’intéresser à nous-même qu’il faut, c’est un truc entre-deux. S’intéresser à elle c’est un devoir qui est à la fois jouissance. Je distribue des tracts contre la loi immigration, je dis qui veut un nouveau problème. Les gens s’arrêtent et prennent le tract. Ils veulent des nouveaux problèmes. Car les problèmes sont source de jouissance. C’est même plutôt la même chose. Jouissance et problème. Et il y a un problème principal qui est le problème avec la parole. Et on la reformule on la reformule la parole. On aime bien ce problème. Ce n’est donc pas un problème. Mais sous la langue ou quelque part caché il y a cette reformulation. Avec tout un monde arabe qui croise. Tout un monde d’opprimé et tout un monde de beauté. Tout ça en une syllabe. Tout ça qui fait courant d’air qui vient faire un ram-dam dans le langage. Ou on dirait qu’il pourrait le faire alors que rien ne surgit non plus. Car nous-même nous ne surgissions pas en nous. Et c’est pourquoi cela peut être surprenant. Tout ça qui peut venir dans un tout petit mot parce que tout ça n’est pas vraiment tout ça, et la langue n’est rien, tout ça est un rien qui vient s’inviter dans un autre. une dissonance dans une dissonance. un problème qui vient dans notre problème, et on ne distingue pas bien les deux. et ce problème n’en est pas vraiment un mais de la jouissance aussi. la jouissance du sens, le sens de la vie, et le sens. le sens, le sens de la vie, le devoir, et ces problèmes, c’est quelque chose dont on a besoin, et à la fois ce n’est pas un besoin, c’est un plaisir, un plaisir gratuit. nous nous battons pour le plaisir. Nous n’avons pas besoin de problèmes vraiment, nous sommes le problème. Et il y a surtout le problème du vrai. Mais le vrai ment. Ainsi jouissance et problème sont mêlés, et tout ça invente le sens. Ou encore : sens et jouissance et problème sont mêlés. Et Palestine est dans nos cordes gutturales, elle n’est pour ainsi dire que ça. Puisque tout est manières de dire. Palestine ou La palestine si on la veut plus distante, fait partie de nous, est nous et à la fois n’est pas nous, est un autre inconnu, est tout un monde de beauté, mais à la fois cet autre est forcément nous, car il n’y a pas de moi non plus, donc on fait des allers-retours entre cet autre et ce moi. On est l’espace entre lui et nous, voilà. sans que l’autre soit quelque chose ni moi. On ne peut dire si on s'intéresse à elle ou à nous-même vraiment. Ce n'est pas de la charité pure, mais ce n'est pas non plus purement pour soi-même. Palestine ou La Palestine. L'un fait comme si elle était familière, l'autre comme si elle était distante. Un peu grave et imposante. L'un pour dire que Palestine c'est moi, l'autre pour dire que parce que ce n'est pas moi je dois faire attention à elle. Comme un geste de pudeur qui marque une plus forte camaraderie. comme dire le mot « noir » ou « arabe ». Un mot violent mais qui pourtant rapproche. Elle est un peu les deux. Je sais que je me sauve aussi quand je lutte pour la Palestine. Mais elle n'est pas un "moi" non plus. Elle vient brouiller ce qu'est moi ou ce qui ne l'est pas. Mon keffieh rouge vert et noir, enroulé autour de moi, symbole de la Palestine pour moi. Je le porte pour me mettre dans ce combat, parce que je sais que ce combat peut être résumé à du tissu. Un tissu comme une épaisseur entre les choses. entre la Palestine et moi, entre moi et moi pour faire le lien et séparer en même temps. pour brouiller les lignes entre ce qu’est moi et autre chose. pour ne pas savoir ce qu’est moi, me séparer de moi, et donc me relier au reste aussi, puisque je ne sais pas la différence. pour semer la confusion. pour lier en même temps que ça sépare. Un tissu qui panse et qui à la fois troue. Parce qu’il troue il panse, parce que nous sommes un trou. comme cette impossibilité de savoir Gaza, Palestine, mais cette impossibilité qui est la seule chose possible aussi. Et enviable. Une épaisseur entre soi comme un devoir, une poussée de vie, un espoir, une gaze, un tissu, qui nous pense autant qu’on la pense. nous panse autant qu’on la panse. c’est-à-dire Je n’existe pas qu’avec un pied dans l’autre, que j’invente un peu et qui m’invente. Parce qu’il est comme une parole sans mots dedans, parce que tout ça est le Sens.
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