mardi 28 novembre 2023

gratter le papier. remplir. remplir un truc. pousser. gratter, tracer. c’est pas plus difficile. les pensées vont me monter. si elles montent pas c’est pareil. c’est tout aussi bien si elles ne me montent pas. se taire. se terrer. dans le papier. ou parler. telle est la question. la fucking question. mais on s’en fout. juste pousser. pousser son petit bonhomme. son petit bonhomme de chemin. ou je ne sais quoi. tout ce qui me passera sous la main. prendre tout. et s’il n’y a rien et bien ce sera rien. cependant j’ai quelques idées en vrac. il faut que je les décortique. une telle idée me fait dire que c’est faux. que je n’ai pas tant d’idées. elles viendront dans la foulée. et si elles ne viennent pas tant pis. je devrais peut-être essayer de me souvenir. ça sera la recherche l’important. l’appel d’air que ça fait l’envie de parler. De pousser des bruits. les idées venant avec la manière de les dire, de les chercher. il y a peu de pensées à part la manière dont elles viennent. je les manie dans mes mains. j’ai l’idée d’un roman. dans ce roman il y a des choses qui se passent. il contiendrait la vie. voilà un mot trop petit et un mot trop gros. contiendrait et roman sont trop petit. et vie est trop grand. je ne veux pas de roman et je ne veux pas d’une telle chose qu’on appellerait vie. je n’y pense pas comme ça. pourtant il faut que je m’y mette. j’en suis tout de suite bouté hors. bouté hors de l’écriture. je vais finir comme ces artistes qui ne parlent que d’écriture. mais ça n’est pas un problème si on se dit que l’écriture c’est vivre. et vivre c’est quoi. c’est tracer. pousser. gratter du papier. remplir des pages. remplir des pages mais comme avec rien. remplir parce qu’on s’emmerde. on ne sait pas quoi foutre de ses pieds. de ses mains. on ne sait pas quoi foutre alors on écrit. les pensées montenent toutes seules. comme si elles étaient à l’air libre. comme après une marche où on a beaucoup marché et que le cerveau a pris l’air. et pleins de pensées ont tinté à notre tête à ce moment-là. elles étaient prononcées sans honte par le cerveau. quelque chose s’ouvrait. on s’est dit qu’on coucherait tout ça sur le papier. comme on coucherait un bébé peut-être. un enfant. qu’on borderait bien les pensées. et qu’on dirait aux pensées dodo maintenant. bonuit les petites. je vous développe-coucouche sur du papier. dans un panier. je vous berce et vous couche. uppercut bam. vous êtes couchées maintenant. à qui la prochaine que je lui fasse sa fête. qui s’avisera de penser encore maintenant. je vais toutes vous coucher. je vais me coucher aussi. dans mon sac de couchage. pas de coucheries entre nous. que chacune baise dans son coin les pensées. allez toutes vous coucher chacune dans votre coin. moi aussi. chacun dans son coin ici et tout ira pour le mieux. c’est ainsi qu’on peut parler. c’est le mieux pour communiquer. ma pensée qui fait ce qu’elle veut et moi aussi. et que pourtant il y ait une conversation entre elle et moi. comme si ça écoutait pas ce que ça disait. que ça disait pas non plus. qu’il y avait juste deux êtres, ou même plus, qui dansaient. qui étaient dans l’interstice entre ces deux êtres, ou même plus. deux êtres ou mêmes plus qui ne sont donc pas des êtres mais seulement l’interstice entre eux. etc etc. on est pas sorti de l’auberge. revenons à des trucs concrets. comme on dit. du moins du réel qui me permettra d’insuffler un souffle poétique. pardonnez-moi j’ai été formé aux beaux-arts. ce genre de tartines intellectuelles j’en ai pleins. dés ma plus tendre enfance sûrement je tartinais. je suis moi-même une tartine et on m’apelle tartine. avant même de naître j’étais Tartine. Avant même de naître je suis arrivé après moi. avec ce tas d’informations et d’opinions. à m’orienter là-dedans. C’est-à-dire à aller au mur. Même le calcul c’est aller au mur. la réflexion. C’est être un reflet à soi. Qui n’est donc ni lui ni moi. Mais aller au mur dans ce qu’on dit. Et c’est pour ça que c’est en attente de naître. Que je suis arrivé après. Je suis donc dans un paradoxe temporel. ne sachant pas ce qu’il y aurait entre l’avant et l’aprés. Et je suis pas encore né. Je naitrai quand je serai allé au mur dans mes informations. Donc à la fois je nais tout le temps. Allez comprendre. Moi je fais que prendre. c’est comme ça qu’on comprends. dans le sens contenir aussi. on se comprend et on nous comprend. C’est du temps comprenant. Du temps comprenant nous. et on le comprend. En parler c’est se faire manger par lui. Mais donc on ne parle pas.
Je suis allé à la Bibliothèque. à la Médiathèque. J’y ai vu Pierre. Il est apparu devant moi en haut de l’escalier. J’avais rendu un livre de Artaud Oeuvres complètes. Je n’ai lu que quelques pages. J’ai emprunté des livres politiques. Et puis deux romans. Une bd aussi qu’est un peu sexiste. Pourquoi pas raconter ça. L’air est doux en ce moment. Je dis à Pierre que c’est peut-être l’essouflement du mouvement social. Bientôt je ne verrai plus tous ces gens que j’avais l’habitude de voir aux manifestations. Et la contestation va faiblir. La contestation ça ouvrait quelque chose. Un espoir. Une autre manière de voir les choses. Il y a ce truc de se décentrer de soi. On parlait plus qu’en « ça va ouais on est là ». « ça va ouais le mouvement continue ». On parlait du mouvement en même temps de parler de nous. le « ça va ? ouais on est là », c’est un bon exemple. Il veut vraiment rien dire celui-là, il sert à faire marcher un truc. il est plus pris dans un mouvement. le mouvement de la marche, le mouvement vers quelque chose. On se renseignait ainsi sur l’autre. On lui prenait le pouls ainsi. En parlant de tout le reste qui arrive ou pas. Et surtout on se renseignait pas tant sur l’autre qu’on faisait un contact physique, comme de vérification que l’autre est là, pendant qu’on marche tout deux dans la même direction. Pas le temps de parler. Juste le contact, le regard qui acquiesce, fait un clin d’oeil. « camarades ». smiley solidaire sur facebook. « camarade » ça fait à la fois professionnel idiot et à la fois c’est très beau. ‘Dépend des contextes peut-être. «camarade ! ». ça fait très impersonnel. Et à la fois on y sent ce but, cette relation de travail, où notre petite personne on s’en fout un peu. « ça va, ouais on est là ». on ne s’arrête pas pour causer de son état à soi. on est pris dans un truc collectif. ce n’est pas que je pense que le collectif prévaut sur le moi. mais que ça déplace les oeillères de ce que serait un soi-même et serait le collectif. la frontière est floue et ça la floute encore plus. Peut-être il faudrait abandonner ces mots de moi et collectif aussi. de ce que serait soi et ce que serait les évenements dans lequels on est pris.
on avait pas trop d’autres trucs à se dire.
Je rentre chez moi avec mon totebag sur le dos. Pleins de livres dedans que je lirai pas en entier. Pleins de mondes. Des philosophes qui font croire qu’il faut tout lire le bouquin. Je préfère les prendre au milieu de la page et m’arrêter quand je veux. Je n’ai pas le temps. Ecrire on fait croire que c’est pas en suspens. Qu’il faut des phrases bien charpentées. Et puis des paragraphes aussi charpentées. Et une histoire qui tient le tout. Peut-être ça existe mais il y a aussi un truc en suspens avec l’écriture. En géneral je dis que je ne communique pas sur ce que je fais. Mais c’est une conception selon laquelle je ne serais pas déjà dans la foule des gens. Déjà en train d’être connecté à tout et aux autres. C’est pas tant la question de est-ce que tu montres souvent ton art que est-ce que tu te montres souvent à toi-même. Et même arrives-tu à faire taire cette communication ? faire taire les intervenants. les laisser intervenir sans moi. être juste la trace de leurs combats et leur dialogue de sourd. Partir du déjà-médiatisé que je suis et revenir vers moi. c’est-à-dire aussi à l’absence.

la culpabilité collective

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